dimanche 8 avril 2007

Crime et châtiment, Fédor Dostoïevski, Verbier, 8 avril 2007

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Rodion Romanovitch Raskolnikov, jeune étudiant désespérément fauché, réussit le crime parfait en assassinant à la hache une vieille usurière, ainsi que son innocente sœur mongolienne apparue de manière impromptue sur la scène du crime. Il faut dire que Raskolnikov est un criminel débutant, et même un vrai manche : il avait oublié de refermer la porte donnant sur le palier avant de porter les coups de hache. Par un concours de circonstances des plus heureux, il ne laisse aucune trace ni aucun indice. C’est de lui-même, tantôt par faiblesse (il s’évanouit au commissariat alors qu’il est y convoqué pour toute autre chose), tantôt de façon presque délibérée (il retourne sur les lieux du crime pour entendre à nouveau la sonnette), qu’il met le juge Porphyre sur sa piste et quand bien même celui-ci ne détient aucune preuve concrète contre lui, Raskolnikov passe finalement aux aveux pour que cesse le déchirement qui le ronge. Il n’éprouve pourtant pas de repentir, mais de la honte car il a péché par orgueil : il croyait faire partie des hommes supérieurs capables de vivre au-dessus de la morale commune, et réalise dés son crime qu’il n’est pas à la hauteur et qu’il ne saura pas l’assumer sans états d’âme. Finalement il est condamné au bagne et y ressuscite par amour.

C’est à la fois un roman psychologique (dont le bras de fer Porphyre / Raskolnikov constitue le morceau de choix, mais le décryptage très fin des réactions des autres personnages est également brillant), un roman social (avec les figures de l’alcoolique Marmeladov, du cupide Loujine, du socialiste idiot Lebeziatnikov) et un roman policier (alternant scènes haletantes et suspense parfois un peu longuet). C’est également une œuvre commerciale destinée à être publiée en feuilleton, et les héros positifs ne manquent pas (Dounia, la sœur de Raskolnikov à la beauté fatale, Sonia la sainte prostituée, Razoumikhine le fidèle ami bourru), donnant au travers de leurs confrontations avec les méchants (Loujine en particulier) les scènes les plus faciles mais peut-être les plus réussies, avec des accents balzaciens.

L’ensemble est à la fois dense et relativement léger, même parfois drôle, avec une grande diversité de thèmes et de personnages, mais suffisamment bien conduit et maîtrisé pour que le lecteur ne se perde pas, comme cela arrive souvent dans les romans russes. Il y a quand même quelques longueurs et aussi certaines facilités étonnantes, en particulier sur la localisation du logement des personnages dans Petersbourg : Loujine atterrit comme par hasard dans l’appartement mitoyen de celui des Marmeladov, tandis que Svidrigaïlov (amoureux transi et vil débauché qui se suicide quand il comprend que Dounia ne veut de lui à aucun prix) prend la chambre collée à celle de Sonia (alors qu’il est très riche, que c’est une prostituée miséreuse, et qu’il n’existe aucun lien entre eux), ce qui lui permettra de surprendre les aveux de Raskolnikov à Sonia

Donc pas mal du tout, mais pas de quoi fonder un nouveau culte.