dimanche 24 juillet 2005

Je crois, moi non plus, Frédéric Beigbeder, Monseigneur Di Falco, TGV Avignon – Paris, 24 juillet 2005

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Lecture de piscine distrayante mais sans intérêt, si ce n’est dans le questionnement. Di Falco était le professeur de Beigbeder et ils se sont retrouvés trois ans durant (deux fois ?) pour discuter de la foi et de l’église. Je ne partage pas l’athéisme matérialiste de Beigbeder (et on a souvent l’impression que lui non plus…) mais en revanche ses critiques de l’église sont les miennes depuis longtemps : célibat des prêtres, ordonnation des femmes, contraception, avortement, euthanansie, rituel de la messe, … En face de quoi Di Falco récite son catéchisme, ce qui n’a rien de passionnant ni d’instructif.

Beigbeder sauve les meubles par son esprit badin et ses citations tout azimut avec une prédilection pour Matrix, où Neo incarne à ses yeux le nouveau retour de Jésus-Christ superstar.

lundi 18 juillet 2005

L’art de la guerre, Sun Tzu, vol Saint-Denis de la Réunion - Paris, 18 juillet 2005

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Petite lecture sur les conseils de Bob Dylan himself : comment briller en société sans mentir (on l’a lu) mais sans effort (c’est peu de chose). Les « treize chapitres » regroupent en fait une centaine de pages de lieux communs et de bons conseils (du type : « il est préférable d’avoir un bon général ») dont on peine à dégager une idée maîtresse si ce n’est celle de l’adaptabilité perpétuelle au changement comme première vertu militaire. La distinction entre force Ch’eng (attaque frontale) et force Ch’i (attaque surprise) ne va finalement pas très loin, si ce n’est que les deux sont nécessaires à la victoire et que l’une fait l’efficacité de l’autre et inversement.

La principale innovation de Sun Tzu consiste, à la façon de Machiavel pour la politique, à exprimer l’idée que la guerre est normale, récurrente et rationnelle. Mieux vaut s’y préparer, et pour cela il en aborde tous les aspects de façon très exhaustive : stratégie, armée, organisation, terrain, économie, météo, services secrets, etc…

Finalement le principal charme de ce bouquin écrit vers 400 avant Jésus-Christ est son introduction rédigée il y a moins d’un demi-siècle : moult histoires de décapitations collectives pour les motifs les plus fantaisistes au temps des Royaumes combattants ou lors de la période Printemps et automne, avec en prime l’incidence de Sun Tzu sur Mao et la stratégie de l’armée rouge à l’époque de la Longue marche.

jeudi 7 juillet 2005

Marie-Antoinette, Stefan Zweig, Sifnos, 7 juillet 2005

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Bouquin survolé mais instructif à plus d’un titre, d’abord parce que j’ignorais que Zweig avait multiplié les biographies, ensuite pour la démarche : il s’agit d’un manifeste. Zweig part du postulat que Marie-Antoinette est une personne normale, lambda, en dépit de son destin historique, et que ce sont seulement les récupérations politiques successives des républicains puis de la Restauration qui en ont fait à tort une manipulatrice démoniaque ou la victime pleine de bonté d’une affreuse injustice. Cette obsession de la normalité dans une biographie a quelque chose de contrariant : il n’y a plus de place pour le mystère, les révoltes, la complexité… sans parler du poids qu’on accorde aux épisodes rapportés par un type, aussi brillant soit-il, qui arrive 100 après et prétend utiliser l’histoire pour défendre l’importance de la psychologie. Ce n’est qu’une occasion de plus de constater les rapports ambigus que la psychologie entretient avec la normalité.

L’anecdote suivante est à la fois amusante et typique de la démarche normalisatrice de Zweig : quand Marie-Antoinette arrive en France, le mariage met 6 ans à être consommé. Toute la cour pense Louis XVI impuissant et se gausse. Finalement un médecin se rend compte que la difficulté vient, si j’ai bien compris, de ce que le frein royal est trop court, ne permettant pas à la bite de sa majesté de décalotter. Après une petite opération, les choses rentrent dans l’ordre, la Reine tombe enceinte mais le mal est fait, explique Zweig. On ne reste pas impunément six années sans honorer une femme, sans que cela n’ait de conséquences sur le couple. La Reine n’a plus de respect pour le Roi, et le Roi ne se permet plus d’asseoir son autorité, sur la Reine d’abord, puis par ricochet sur la cour.

Mais pourquoi l’histoire de la calotte royale et de ses conséquences ne figurent-elles pas dans les manuels scolaires ? C’est à mon avis parce qu’elle est secondaire : c’est le caractère propre à chaque impétrant, plus que des réactions psychologiquement normales à une malformation qui explique la relation de ce couple royal. Cela étant l’éclairage est intéressant mais il y a un je ne sais quoi qui m’irrite, le côté caricatural sans doute.

mardi 5 juillet 2005

Mon chien stupide, John Fante, Naoussa, 5 juillet 2005

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Cette fois il ne s’agit pas de Bandini et c’est beaucoup moins bien. L’histoire d’un écrivain au chomage méprisé par ses enfants qui squattent la villa californienne de Papa à son grand désespoir. Un soir il trouve un chien avachi sur sa pelouse, le recueille contre l’avis de sa femme (on se rend compte au fur et à mesure que le locuteur souffre de déviance canine assez prononcée et qu’il a eu quelques attachements excessifs par le passé), et n’aura qu’à s’en féliciter. Les diverses péripéties provoquées par le chien recueilli déboucheront en effet sur le départ, un à un, des quatre enfants et après une quasi rupture, sur les retrouvailles du couple autour d’un gros pétard.

Il y a toujours l’humour et l’ironie plaisante de Fante, mais ça prend moins quand le héros n’est pas aussi admirable que Bandini. En l’occurrence le héros du livre est une victime permanente, qui subit ses enfants, ses voisins, ses confrères, son chien et tous les fournisseurs possibles et ce jusqu’au bout du livre. Seule sa femme lui donne du respect, et encore… Du coup ces péripéties ordinaires restent légères et indifférentes, tout le contraire d’avec Bandini : un type trouve un chien, le perd et le retrouve, pendant que ses gosses prennent leur envol et qu’il doit du coup trouver un nouvel équilibre avec sa femme, ce qu’il fait. Il ne se remet pas à écrire pour autant (il est écrivain comme Bandini, peut-être est-ce un vieux Bandini, mais alors vraiment usé), il n’y a pas vraiment de conclusion. À la fin il pense à chacun de ses enfants et se met soudain à pleurer.

samedi 2 juillet 2005

Last exit to Brooklyn, Hubert Selby Jr, Andros, juillet 2005

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Six nouvelles de formes et de longueurs variées composent ce récit, sans autre lien entre elles qu’une bande de jeunes ultraviolents en fond de tableau, encore que pas à chaque fois. Une unité étonnante se dégage pourtant de l’ensemble. Cette unité vient de la noirceur constante : alcool, benzédrine, travelos, violence, solitude, cruauté reviennent de façon hypnotique et il y a fort à parier que Selby a servi de modèle à Bret Easton Ellis dans la surenchère de drogue.

Ça commence mollement avec quelques jeunes dans un bar qui passent leur temps à se bourrer les côtes et à aller se repeigner dans les chiottes du bar, tenu par Alex le Grec qui ne cesse de leur répéter que ça finira mal avec toutes leurs conneries. Une sorte d’ouverture d’opéra pour installer le cadre du drame. Ensuite vient une tranche de vie de Georgette et ses copines, une bande de travelos espiègles et excités qui s’enfilent des quantités astronomiques de benzédrine (drogue inconnue jusqu’alors mais qui me semble désormais familière) arrosés au gin. C’est le récit d’une soirée particulière, qui finit en viol de trav consentantes par Vinnie et sa bande (celle qui squatte chez le Grec), et se conclut par le délire sous morphine de Georgette, folle amoureuse de Vinnie et qui se persuade que « Ce. N’était pas. De la merde. » (sur la queue de Vinnie, qui vient de baiser Lee, trav concurrente et ennemie jurée de Georgette). Ainsi se conclue ce chapitre.

Suivent une scène de mariage burlesque mais anodine et le récit de la vie de Tralala, qui se fout en l’air de militaire en militaire.

La 5ème partie, qui fait prés de la moitié de l’ensemble, est la plus réussie et la plus dérangeante, l’histoire d’Harry, délégué syndical qui rencontre la bande de chez le Grec au cours d’une grève. Il se met par leur intermédiaire à sortir avec des travs, qu’il entretient à coup de notes de frais remboursées par le syndicat. Puis quand la grève s’achève, et avec elle les notes de frais, les travs ne veulent plus entendre parler de lui. Il baisse le froc d’un petit garçon de 10 ans, fout sa bite dans sa bouche ; le gamin se barre en hurlant chercher les gars de chez le Grec qui trucident Harry Black d’une façon atroce en rigolant, le laissent agonisant dans un dernier râle sur le pavé, et retournent se bourrer les côtes dans les chiottes du Grec.

Harry Black est l’un des pires pauvres types que l’on ait jamais croisés dans un roman et on s’identifie quand même à lui ; on jubile quand il retourne une mandale à sa femme, une chieuse imbécile (au lieu de on je devrais écrire je). Et la bande du Grec n’est jamais rien d’autre que la vie ou la fatalité, même pas méchante juste dure, qui pousse chacun vers ses penchants avant de punir pour ces mêmes penchants.

La sixième partie, intitulé « coda » (ce qui signifie conclusion sur les partitions), est difficile à interpréter : nulle trace de la bande du Grec, même si des prénoms reviennent (Vinnie notamment) dans cet espèce de zapping de cité, où des scénettes s’enchaînent d’appartement en appartement, ou sur le banc du square, etc… encore de la violence, de l’égoïsme, de la méchanceté à tous les étages. Morale de l’histoire : tout va mal, tout continuera à aller mal et pourtant la vie continue.