dimanche 16 mars 2008

Dans la peau d’un noir, JH Griffin, Paris, 16 mars 2008

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Petit reportage pas merveilleusement écrit, avec une pointe d’emphase et parfois un peu de manichéisme moralisateur, Dans la peau d’un noir n’en relate pas moins une expérience fascinante, conduite à la fin des années 60 dans le sud des Etats-Unis.

En ingurgitant des médicaments et en utilisant des teintures, un blanc dans la force de l’âge se transforme en vieux nègre pour connaître le sort réservé aux noirs dans les états les plus ségrégationnistes. L’expérience ne dure que sept semaines (entrecoupée qui plus est de quelques retours à la condition blanche qui ne font qu’accentuer le contraste), ce que Griffin a l’air de trouver très long (ce qui peut se comprendre sur le plan de la distance mentale), et les résultats sont édifiants, quoique pas vraiment surprenants. Un passage particulièrement savoureux réside dans les questions récurrentes des automobilistes à l’auto-stoppeur black quant à sa vie sexuelle supposée trépidante. D’après Griffin, quelque chose comme dix automobilistes sur douze ont eu ce comportement, et sans doute qu’il y a dans le racisme à l’encontre des noirs une angoisse profondément sexuelle. Griffin rapporte une foule de discriminations, vexations, hostilités de toutes sortes, tel ce chauffeur de bus qui refuse de laisser les noirs aller pisser lors d’une pause dans une station service, les commerçants qui refusent les paiements en chèques de voyages, les bancs, les bars, les chiottes, les restaurants, etc…, interdits aux noirs. La condition de noir s’avère ainsi très rapidement extrêmement pesante, au point que quelques instants enfermés dans les toilettes publiques procurent à plusieurs reprises à Griffin un réel soulagement. Enfin, outre l’aspect fantasmatique que revêt cette aptitude caméléon à pouvoir se glisser incognito dans une population étrangère (ça pourrait fonctionner avec les femmes, les riches, les drogués, les hooligans, …), l’expérience de Griffin est fascinante dans ses motivations et ses conséquences psychologiques : volonté de se fuir, perte de sa substance, fantasme de négritude, etc… mais Griffin ne semble pas en avoir conscience. L’intéressant c’est que redevenu blanc, la part du noir en lui n’a pas disparu. Peut-être qu’il y a une part de noir en chacun, comme il y a paraît-il une part de femme ?

Ce récit est-il digne de foi ? Personne ne grille la supercherie, alors que Griffin multiplie progressivement les allers-retours du noir au blanc. Ça paraît incroyable mais peut-être est-ce justement tellement improbable qu’il ne vient à l’esprit de personne de supposer une manipulation. En dépit de ses nombreux larmoiements apeurés, Griffin fait preuve d’un grand courage physique, d’une part avec ce qu’il inflige de transformations à son corps, et d’autre part en rendant publiques ses investigations, ce qui obligera ses parents et sa famille à déménager pour fuir les menaces.