vendredi 25 février 2005

Tandis que j’agonise, William Faulkner, Verbier, 25 février 2005

Encore un petit Djian, encore un roman américain du 20ème siècle, et encore un kiff, un peu long à venir mais d’autant meilleur. L’histoire d’Anse Bundren qui enterre sa femme Addie, selon les volontés de la défunte, c’est-à-dire avec « tous ceux de son sang », sans faire appel à personne, et surtout à Jefferson, à 40 miles de là. Anse va donc traîner sa marmaille et le corps pourrissant de sa femme huit jours durant, parce que « c’est ce qu’elle aurait voulu ».

En chemin Cash l’aîné perd une jambe ou tout comme, Darl le second qui a toujours été bizarre à cause du paysage dans ses yeux est livré comme fou aux ambulanciers de l’asile de Jackson après avoir mis le feu à une grange, vraisemblablement pour cramer le cadavre puant de sa mère, Jewel se fait déposséder de son cheval si durement gagné, Dewey Dell se fait tringler par un escroc en échange du médicament abortif qu’elle recherche désespérément, et Vardaman le petit dernier pète tranquillement les plombs en rêvant au petit train électrique qu’il avait vu à Jackson une fois.

Anse est un enfoiré catastrophique, qui n’en branle pas une rame, vit sur le dos de tout un chacun et surtout de ses enfants, se lamente sur son sort et prend toutes les mauvaises décisions possibles. Au terme du périple, il tape les 10$ planqués par Dewey Dell pour son médicament pour aller se refaire des dents et reprend illico une nouvelle femme, peut-être pour son gramophone.

L’histoire est cool, bien âpre et qui fait pas de cadeau, mais sans en rajouter. L’ensemble est constitué d’une suite de monologues intérieurs des différents personnages ; trouver des repères prend donc un certain temps, et d’ailleurs il est conseillé dans la préface de relire deux fois chaque monologue, ce se révèle parfois d’une efficacité étonnante. La lecture est donc un peu poussive au départ, devient plaisante et finit par être complètement bouleversante. Ce qui s’appelle finir sur une bonne impression.

dimanche 6 février 2005

Effroyables jardins, Michel Quint, Paris, 6 février 2005

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Courte histoire admirablement écrite, dans une langue remplie d’expressions savoureuses plus ou moins inventées ou tirées par les cheveux, mais limpides, par exemple : « la soudaine suée des rosières découvrant au parterre fleuri un nain de jardin obscène, ithyphallique ». Récit d’un épisode pas tragique de la seconde guerre mondiale se rapportant au père de l’auteur et à son cousin Gaston : trempant un peu dans la résistance pour déjouer l’ennui, ils font sauter un transfo, mais se retrouvent parmi les 4 otages que la Gestapo menace d’exécuter si les auteurs de l’attentat ne se dénoncent pas… Ce n’est pas un hasard s’ils se retrouvent otages, c’est parce qu’ils ont mis une trempe au foot avant la guerre aux miliciens qui ont dressé la liste des otages… Evidemment dans ces conditions, l’espoir d’en sortir vivant est plutôt mince, mais ils tombent sur un garde chiourme francophone et clown dans le civil qui s’occupe d’eux admirablement et leur transmet sa joie et son humanité. Et finalement le coupable se dénonce, ou plutôt sa femme le dénonce, les allemands l’exécutent immédiatement et libèrent les otages. Il s’agissait en fait de l’électricien, brulé très gravement dans l’explosion du transfo : les auteurs de l’attentat sont sauvés par le mec qu’ils ont buté sans faire gaffe, et en prime ils épouseront sa femme après la guerre. Savoureux… et tout ça en 70 pages. Un peu frustrant que Michel Quint n’ait, à part ça, écrit que des polars, et une suite au même format, Aimer à peine, pas encore disponible en poche.

mercredi 2 février 2005

Moby Dick, Hermann Melville, Paris, 2 février 2005

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Pas facile de cerner les enseignements de cet énorme classique, à la fois extrêmement simple et extrêmement riche. Ishmael, sans que l’on sache très bien pourquoi, veut absolument partir à la chasse à la baleine, peut-être parce qu’il a envie de se débrancher le cerveau quelques années et de méditer un peu. Il s’enrôle alors sur le Pequod, à Nantucket, avec son ami récemment rencontré Queequeg. Quelque temps après le départ, le capitaine Achab paraît enfin sur le pont et révèle toute l’étendue de sa folie à l’équipage : il veut retrouver et tuer la baleine blanche, Moby Dick, dans l’attaque de laquelle il a perdu sa jambe et c’est là l’objectif absolument obsessionnel et unique de son expédition, et de sa vie. À la fin de son tour du monde, et après avoir cherché Moby Dick tout autour du globe, le Pequod la retrouvera et lui donnera enfin l’assaut, trois jours durant. Finalement l’ange exterminateur Moby Dick aura raison de tout : Achab, les baleinières et le Pequod lui-même, seul Ishmael survivant miraculeusement pour pouvoir raconter cette histoire.

À la fois roman d’aventure pour ado exalté et livre de philosophie mystique, recueil technique très rigoureux sur les baleines et les us et coutûmes des baleiniers et concentré de dérision au 3ème degré, extrêmement moderne dans sa forme et son ton et typique des romans d’expédition des premiers romantiques genre Chateaubriand, la lecture de Moby Dick est à la fois fastidieuse et plaisante. Il s’agit quand même de 730 pages sans une gonzesse, et sans même un manque de gonzesse signalé. Sauf si Moby Dick est une figure de femme, évidemment… Mais Moby Dick peut être tellement de choses, Dieu notamment d’après Giono qui préface cette édition de poche. Ou peut-être juste une baleine…