dimanche 10 octobre 2004

Penser avec Mounier, Jean-François Petit, Paris, octobre 2004

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Trouvé aux Semaines sociales de France, à Lille, où j’ai répondu avec grand plaisir à l’invitation de mes religieux de parents, cet opuscule aux airs de propagande sectaire me tendait les bras : des années que le nom d’Emmanuel Mounier me passe sous les yeux, comme inspirateur du journal Le Monde, penseur chrétien mais respectable, inspirateur des Semaines sociales et des centristes, sans jamais que quiconque soit foutu de mettre une idée précise à côté de ce nom, si ce n’est le sempiternel terme de « personnaliste » et la supériorité, ou plutôt la suprématie absolue de la personne humaine qu’il suppose.

Et bien il m’aura fallu en passer par cet essai médiocre, idolâtre et passablement ennuyeux pour comprendre qu’il n’y a rien d’autre à chercher chez Mounier, mais que c’est déjà beaucoup. Il semble que l’idée de base de Mounier soit de refuser tout systématisme, conçu comme entravant la liberté personnelle. De là découle qu’il existe si peu d’affirmations, voire d’idées, mounieristes. Dès lors la morale doit être une déchirure, une remise en cause permanente : la morale est dans le questionnement lui-même, plus que dans le résultat auquel il aboutit. C’est peu, et c’est beaucoup, mais bon je le savais déjà, par ma mère.

Et en tout cas Jean-François Petit est un bigot apologétique.

vendredi 1 octobre 2004

Bandini, John Fante, Paris, 1er octobre 2004

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Arturo Bandini est devenu un copain. Il est trop cool et on passe toujours de bon moments en sa compagnie. « Tout est excessif chez Fante (Bandini) : ses amours, ses engouements, sa fierté, son abjection et sa mauvaiseté. » « Fils d’immigrant italien du Colorado et futur grand auteur, grande gueule et salopard. »

Cette fois c’est une petite tranche de vie d’Arturo, l’été de ses douze ans, révélateur de son environnement familial : « son père est maçon, un bon maçon et un mauvais homme et un mauvais mari, un père buveur et coureur, souvent infect, parfois grand. Une mère victime-née, une sainte qu’on a envie de battre. » Toutes les citations sont extraites de la postface d’un certain Philippe Garnier. Le livre est dédiée à sa mère, « avec amour et dévotion », et à son père, « avec amour et admiration ».

Il faudrait choper la discipline de ne pas commencer un nouveau livre avant d’avoir écrit quelque chose sur le précédent : deux mois sont passés et il s’agit déjà de se remémorer, même si c’est moins dur avec Bandini qu’avec un autre. C’est l’histoire de son père qui déserte une femme trop aimante, un abandon lâche qu’Arturo admire, une humiliation avec la bourgeoise de la ville qui fait la fierté d’Arturo, tandis qu’il se les gèle en crevant de faim avec sa mère et ses frères. Aussi l’histoire de Rosa son premier amour, pour qui il chourre un diamant à sa mère, qu’elle lui rend en le traitant de menteur, Rosa qu’il repousse alors dans la neige avant de balancer le diamant par dessus une maison, Rosa qui meurt d’une maladie à la con dans l’indifférence générale. Une fois de plus l’amour d’Arturo meurt.

L’histoire se suffit moins à elle-même que dans Ask the dust donc ça a moins des airs de chef d’œuvre et de perfection, mais l’âpreté est là : la cohérence de l’incohérence, la réalité d’un gars vrai, qui tient à ce qui est raconté et à la façon dont c’est raconté. Arturo est un pote, définitivement.