samedi 17 juin 2006

Please kill me, Legs Mc Neil et Gillian Mc Cain, Caromb, 17 juin 2006

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« L’histoire non censurée du punk racontée par ses acteurs » est un charmant recueil de comptines pour enfants, à lire avant de sombrer dans un sommeil apaisé et détendu. Les interviews de musiciens, de groupies, de producteurs, d’amis, s’entrecroisent dans une suite ininterrompue de frasques sexuelles, alcooliques, artistiques, défoncées. Du grand n’importe quoi joyeux et destructeur, qui démarre avec Jim Morrisson puis le Velvet et s’éteint en 92 avec les morts de Johnny Thunders et Jerry Nolan (respectivement guitariste et batteur des New York Dolls). Iggy Pop est en toile de fond tout du long, le plus ignoble et le plus fondu de tous.

Il est étonnant de constater à quel point le punk descend de Lou Reed et de Warhol, par l’entremise de Patti Smith, de Television et des New York Dolls (dont le manager Malcolm Mc Laren créera les éphémères Sex Pistols, qui siffleront la fin de la récréation et le retour du business). L’autre grande école est celle plus industrieuse de Detroit, avec des groupes tels que le MC5 de Wayne Kramer, les Stooges (Iggy et les frères Asheton) ou encore les Dead Boys de Stiv Bators. À la jonction de ces deux univers se trouvent sans doute les groupes les plus intéressants, Ramones et Dead Kennedys. Le point commun à tous ces gens semble finalement un individualisme forcené, initié par Lou Reed et Iggy Pop, où tout ce qui passe est indifféremment baisable (surtout pour le premier) et où la vie n’est qu’une succession de défonces à entretenir par tous les moyens (surtout pour le second).

Quelques histoires croustillantes parmi un flot intarissable : Dee Dee Ramones se fait refiler du speed dans un pub anglais où tout le monde est bourré et où les chiottes sont recouvertes de gerbe et il tombe sur Sid Vicious qui lui en tape un peu, plonge l’aiguille dans les chiottes pleines de gerbe et de pisse et s’envoie en l’air ; les Stooges terrorisaient leur maison de disque pour avoir la paix : tous les frais de tournée étant remboursés, ils descendaient dans le meilleur hôtel de L.A., envoyaient leurs roadies inviter des passants à bouffer, les facturaient moitié prix et envoyaient l’addition à la maison de disque ; Syd et Nancy au Chelsea Hotel ; les tapins à 53rd & 3rd ; les Ramones qui pouvaient plus se blairer pendant 15 ans dans leur minibus ; Stiv Bators qui se fait sucer sur scène ; la couleur d’un mec qui fait une OD… Ça grouille à toutes les pages. C. m’a offert ce livre délicieux pour mes 30 ans mais c’est vraiment pour les enfants.

mardi 6 juin 2006

Climats, André Maurois, Train Reims-Paris, 6 juin 2006

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Les difficultés de la vie conjugale explorées par André Maurois explosent les meilleures productions de la collection Arlequin. Philippe Marcenat tombe fou amoureux de Odile Malet, et l’épouse, mais celle-ci tombe à son tour raide dingue de François, divorce et l’épouse, mais se suicide parce qu’il a tôt fait de la mépriser. Puis Philippe épouse en seconde noce Isabelle, l’antithèse d’Odile, mais tombe sur Solange qui le ramène en territoire odilesque, après quoi Solange le largue pour Etienne, il atteint alors quelques semaines de bonheur serein avec Isabelle et meurt aussi sec d’une pneumonie foudroyante.

C’est très réussi : le plaisir de lecture est vif, l’identification immédiate, le style élégant et même l’agonie un peu risible de Philippe Marcenat est émouvante, mais ça reste un roman de gare psychologique, ou comment tirer des généralités sur l’amour à partir du parcours sentimental d’un individu, qui a besoin d’être jaloux pour se désennuyer, qui a besoin d’avoir peur pour se sentir exister. Une foule de ressorts psychologiques sont très finement et très élégamment relevés.

Alors qu’André Maurois dédicace l’ouvrage, comme à son habitude, à sa femme Simone qu’il semble avoir beaucoup et fidèlement aimé, il y expose l’impossibilité de l’amour durable et heureux à la fois. Pour autant le mariage est défendu, comme ce qui permet de s’unir à la personne qui génère un « climat » qui nous est devenu nécessaire. De la citation introductive d’Alain à la conclusion éplorée d’Isabelle, le conseil de l’auteur est en fin de compte de ne pas trop s’interroger et de se concentrer sur le moment présent.