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Très étonnant et admirable que ce texte ait été écrit dans les années 50 par un gosse de 15 ou 16 ans, qui donnera peut-être vers 25 ans La conjuration des imbéciles avant de se suicider à 32 en branchant une rallonge sur son tuyau d’échappement, ensevelissant ainsi une œuvre qui aurait été dingue.
C’est l’histoire de l’enfance de Dave dans une petite ville bigote et pauvre près de la Nouvelle-Orléans. Du malheur en stock : Dave n’est pas très dégourdi, son père paume son boulot puis meurt à la guerre en Italie, rendant folle sa mère, sans que le moindre pote ne passe jamais dans le décor lugubre que constitue la maison sur la colline dans laquelle la famille est reléguée depuis le chômage du père. La seule âme bonne est la Tante Mae qui se réfugie auprès de sa sœur à la fin de sa pathétique carrière de chanteuse de cabaret et qui mettra des années à faire taire les médisances sur son accoutrement, juste le temps que lesdites médisances se reportent sur la folie de la mère qui ne quitte plus l’impossible potager sur argile du père, que la guerre avait fini par attendrir. Pour finir Mae abandonne Dave avec sa mère gâteuse qui le jour même agonise dans l’escalier après s’être pété la gueule. Sur ces événements, le pasteur se ramène pour emmener la mère à l’hospice et Dave le bute d’un coup de fusil. A la fin (qui est aussi le début), il part en train vers de nouveaux horizons, aussi loin qu’il peut aller.
Cette fin trop précipitée est peut-être le seul défaut sur le plan littéraire. Le reste du texte est excellemment tenu, centré sur le huis clos de la petite ville sur laquelle le pasteur fait régner une bigoterie oppressante. Il ne se passe rien pour Dave qui voit ses camarades d’école aller à l’université et sortir avec des filles tandis qu’il fait le commis à l’épicerie. Du coup le moindre événement sentimental prend des dimensions gigantesques et exagérées : il sort une fois avec Jolynne, une jolie fille d’une autre ville qui rend visite à son grand-père, et l’embrasse dans les collines. Quand elle vient lui annoncer qu’elle repart, il la demande en mariage et elle s’enfuit en courant.
C’est quand même dingue, à 15 ou 16 ans, d’avoir un discours aussi structuré et mesuré à la fois sur la ségrégation raciale, la bêtise collective et l’horreur des masses. Rien que de l’extrêmement crédible alors qu’il ne lésine pas sur la cruauté… Le titre, le même qu’Arcade Fire, laisse songeur : peut-être ont-ils lu ce livre ou peut-être est-ce très commun de mettre des bibles en néon sur les églises dans l’Amérique profonde ? C’est toujours un endroit où il me reste à aller, me disais-je en lisant ce livre sur la piscine terrasse de la sélecte Soho House de New York…
mardi 1 juillet 2008
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