jeudi 30 mars 2006

La défaite de Platon, Claude Allègre, Paris, 30 mars 2006

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Étrange ouvrage que cette vulgarisation scientifique des découvertes du 20ème siècle, qui se veut exhaustive et abordable mais qui sert aussi d’argumentaire illustré à une thèse véhémente. L’auteur, qui avance masqué à la façon d’un romancier ménage le suspense et ne révèle son postulat qu’à la toute fin du livre, si bien que l’on se demande s’il ne s’agit pas d’un prétexte à un survol contemplatif de la nature telle que les dernières découvertes scientifiques (en 1995) la décrivent. Ce simple survol suffirait, en effet, grâce à la passion et au souci permanent d’Allègre de s’adresser au plus grand nombre, à constituer un motif d’écriture.

Je n’ai certes pas eu des révélations d’une ampleur aussi monumentale qu’à la lecture de Dieu et la foi et c’est sans doute heureux pour ce que cela révèle de mon ignorance. C’est en effet en lisant Dieu et la foi, autour de ma vingtième année, que j’ai réalisé que la terre tourne autour du soleil et la lune autour de la terre ! Il était temps ! Mais j’ai tout de même découvert ici de vastes horizons inexplorés, notamment en matière d’électricité (semi-conducteur, supra-conducteur), de chaleur (degré d’agitation des atomes, le zéro absolu (-269°C) correspondant à leur immobilité), les ondes électromagnétiques (dont les ondes lumineuses, la « lumière visible », ne sont qu’une des déclinaisons parmi différentes longueurs d’ondes dont les ondes radioactives, les rayons X, les ondes radio…), le cosmos (la lune est un bout qui s’est détaché de la terre, les 92 atomes se retrouvent dans tout l’univers), la non-linéarité de la science (à laquelle j’assimilerai pour l’instant la physique quantique), le fonctionnement du cerveau (qui reproduit dans l’enfance la sélection naturelle en développant les aptitudes les plus utilisées et qui dissocie toutes les informations : une voiture – rouge – qui roule), etc… Tous les domaines de la science, et leur évolution au 20ème siècle, sont abordés pour, in fine, insister sur un facteur-clé de succès selon Claude Allègre : l’alternance entre expérience et théorisation, l’une n’allant pas sans l’autre.

Tout ceci débouche sur la thèse du livre, qui s’apparente finalement à un manifeste contre les mathématiques, considérées à tort comme la forme ultime de l’expression scientifique alors qu’hormis la fonction langagière, elles ne sont qu’une abstraction déconnectée de la réalité, et en cela le contraire de la science. Les mathématiques obéissent au principe de cohérence quand la science obéit au principe de réalité, et à mathématiser toutes les sciences on les dénature, les appauvrit et les égare. La démonstration est des plus convaincantes si l’on songe à l’économie et aux modèles de Walras ou Pareto. Ce qui est moins évident est que selon Claude Allègre cette déviance mathématique serait une spécificité française, fruit du catholicisme, du royalisme absolu, du jacobinisme centralisateur et de l’élitisme républicain (les trois premiers encourageant une gestion rationnelle, le dernier parce que les maths sont plus « commodes » à corriger dans les copies de concours…). Peut-être effectivement que l’universalisme français nous expose davantage, à une époque où les conséquences de la déviance mathématique sont de plus en plus lourdes : la concurrence devient de plus en plus intellectuelle, et monde de plus en plus évolutif...

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