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J’avais toujours cru d’après son titre que ce livre était plus ou moins autobiographique. En fait c’est un roman totalement imaginé par l’auteur, qui raconte la vengeance de Lee Anderson, noir (à seulement 1/8ème) sans en avoir l’air dans une Amérique raciste. Le fond du message de Boris Vian est étonnant et finalement très fort : ce qui compte dans la vie, c’est de se venger. Le frère de Lee a été lynché parce qu’il fricotait avec une blanche. Son autre frère plus âgé est un brave type incapable de rébellion ; c’est à Lee qu’incombe la vengeance de la mort de son frère. Plutôt que de s’en prendre directement aux assassins, il déménage dans une contrée où personne ne le connaît, prend un boulot dans une librairie et commence à fréquenter les jeunes du coin, en particulier les jeunes filles, très très licencieuses. L’essentiel du récit est consacré aux batifolages de Lee, que son timbre de voix rend irrésistible et dont l’appétit sexuel est d’une grande constance. Le jour où il rencontre les sœurs Asquith, c’est le coup de cœur, il tient sa vengeance. Il les séduit l’une et l’autre (ou plus exactement il viole la première ivre morte et violente la seconde, c’était vraiment la belle vie la drague après-guerre) et les voilà toutes deux prêtes à tout pour lui. Il engrosse Jean, la plus âgée et pour finir les bute toutes les deux avec une violence et un sadisme dignes des cosaques de Jean-Louis Costes. Lui-même finit buté par la police, qui finit le travail entamé par Lou, la plus jeune des sœurs Asquith, séduite elle aussi mais d’une façon bien moins aveugle que sa grande sœur.
Le récit est court et jubilatoire, étonnamment crû pour un best seller de l’année 1947 (sous le pseudonyme de Vernon Sullivan tout de même), mais le scénario est fragile : un noir qui ressemble à un blanc, et dont la seule obsession est une vengeance de race. On peut soupçonner soit Boris Vian, soit Lee Anderson de prendre là prétexte à débauche sexuelle et à révolte métaphysique contre la condition masculine, qui trouve à se défouler dans le massacre de jeunes vierges écervelées et magnifiques. Pas sur donc qu’il y ait vraiment là une ode antiraciste, mais le rythme est trépidant, la séduction permanente et la lecture, qui n’excède pas deux heures, régulièrement émoustillante.
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