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Choisi chez un bouquiniste de Bruxelles par curiosité pour l’auteur (que je confonds en fait, je m’en rends compte en cours de lecture, avec Gaston Bachelard) et parce que le titre de ce livre de 1984 me semble coller à l’actualité électorale française de 2006, cette chronique de la gauche française entre 1978 et 1984 oscille entre provoc, poésie, aphorisme et protestation. Dans l’ensemble c’est du grand n’importe quoi, une compilation de jugements définitifs partant dans tous les sens : l’auteur les jettent en l’air et regardent ceux qui retombent bien. Forcément sur le tas il y en a.
Mais par exemple dissertant sur l’informatique Baudrillard avance que l’ordinateur personnel n’a aucune utilité et qu’on ne voit pas à quoi ça pourrait servir un jour… Il proteste ainsi contre la télé par câble : « On les forcera à être informés s’il le faut, informatisés vivants, nouveaux cobayes, nouveaux otages ». « Informatisés vivants » fait mouche malgré tout.
La thèse de l’auteur, c’est que l’histoire s’est arrêtée (en 68 apparemment, ce qui révèle un certain nombrilisme s’agissant d’un soixante-huitard) et que désormais on simule l’histoire : le peuple fait semblant d’obéir et les hommes politiques font semblant de gouverner mais en fait chacun sait bien qu’il n’y a plus d’enjeu. Par ailleurs la gauche ne veut pas le pouvoir, notamment le PC qui sait que ce serait un suicide et fait bien attention à faire foirer toute possibilité de victoire électorale. Malgré tout le peuple a quand même élu la gauche, semble t-il malgré elle et pour jouir du spectacle de sa mise à mort. La gauche parachève la simulation démocratique par l’alternance, mais elle se révèle particulièrement inapte à l’exercice du pouvoir, même simulé, car elle se veut morale (« divine »), ce qui est incompatible avec la politique : « Ils n’en finiront pas de faire la preuve de leur bonne foi ni de donner au peuple des réparations morales (sous forme entre autres d’ « avantages sociaux ») du fait d’être gouvernés. Rien de pire que la mauvaise conscience politique, qui vient directement de la bonne conscience morale. »
Les assertions sur le peuple, qui ne veut pas être représenté et ne tient pas à ce qu’on lui parle vrai (toutes choses qu’il sait impossibles) mais qui met dans l’arène comme à Rome ceux qu’il choisit par son suffrage, sont amusantes et presque convaincantes. Elles sont en tout cas représentatives de la « méthode Baudrillard » : partir du postulat que toute chose est le contraire de ce qu’elle paraît pour voir s’il n’y aurait pas par hasard quelque chose caché derrière. L’ennui c’est que ça semble tenir davantage du passe-temps que de la recherche passionnée de la vérité ou d’une pensée cohérente…
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