dimanche 7 janvier 2007

Plexus, Henry Miller, Paris, 7 janvier 2007

-
« Et si l’on me demandait : As-tu joui de ton séjour sur terre ?, je répondrais : « Ma vie n’a été qu’une longue crucifixion en rose. »

La suite des aventures du monstre Miller est nettement moins jubilatoire que la crucifixion 1ère époque, ne serait-ce qu’en raison de l’absence complète d’épisodes obscènes, le sexe se résumant à de furtives allusions quand c’était une des matières prépondérantes du bien nommé Sexus. Sans doute le décalage de 13 années entre la rédaction des deux tomes n’y est pas pour rien.

Plexus relate les difficultés matérielles du couple Mona / Val, elle travaillant (c’est-à-dire faisant la serveuse ou l’entraîneuse et recevant des subsides de ses admirateurs par des procédés sur lesquels Miller préfère ne pas trop se pencher), lui bullant à de rares exceptions pour se concentrer sur l’écriture ou l’attente de l’écriture. Toujours au gré des rencontres et des opportunités, Mona et Val se font marchands de petits poèmes, vendeurs ambulants de bonbons, tenanciers d’un speakeasy éphémère à leur domicile. Val finit en vendeur d’encyclopédie au porte à porte, non sans avoir préalablement refusé des offres mirobolantes dans la publicité ou certaines publications.

Ils sont contraints à certains moments de retourner vivre chacun chez leurs parents, ceux de Miller se montrant légitimement soucieux d’avoir chez eux leur grand fils de 34 ans, deux fois marié et père d’une petite fille. Cette Crucifixion en rose est avant tout une leçon de persévérance pour les artistes en herbe dont le talent tarde à être reconnu. Du moins non c’est avant tout un beau morceau de littérature. Les allers-retours chronologiques sont un peu systématiques (Miller tombe sur un type dans la rue et l’on sait qu’on va en prendre pour 15 pages du récit de leurs frasques communes à l’adolescence) mais permettent aussi une respiration agréable. Sur le plan intellectuel, Miller fait feu de tout bois et multiplie les références, en particulier à ses quatre cavaliers de l’apocalypse que sont Nietzsche l’iconoclaste, Dostoïevski le grand inquisiteur (c’est chic d’avoir un écrivain russe pour mentor, si l’on pense au culte de Mc Liam Wilson pour Tolstoï), Elie Faure le magicien et Oswald Spengler (auteur du Déclin de l’occident) le bâtisseur de schémas. Il invoque également nombre de figures plus obscures mais prometteuses comme John Brown (idéaliste révolutionnaire américain précurseur de la lutte contre l’esclavage), Gilles de Rais (compagnon de Jeanne d’Arc et par ailleurs meurtrier violeur en très grande série) et une multitude d’autres. Sa culture absolument encyclopédique semble confirmer la supposition de Miller selon laquelle 2 à 3 heures de lecture quotidiennes tout au long de sa vie devraient permettre de mourir en ayant lu toutes les choses importantes. À noter enfin quelques passages franchement ennuyeux, en particulier les récits de rêves et la fin ésotérique consacrée à l’apologie d’Oswald Spengler, qui fait suite aux visions prophétiques d’un certain Claude : on se croirait dans Hermann Hesse, quelle horreur (il est d’ailleurs cité fort à propos par Miller) !

Aucun commentaire: