dimanche 25 février 2007

Les prophètes du bonheur, Alain Minc, Paris, 25 février 2007

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Acheter un livre de Minc, quelle drôle d’idée ! Même en poche, c’est contrariant de songer aux quelques euros ou centimes d’euros ainsi rapportés à cette imposture intellectuelle, professionnel de la posture et tireur, par on ne sait quelle grâce et au profit d’on ne sait qui, de multiples ficelles. J’ai même eu honte de le lire dans le métro…

Le contenu est parfaitement inoffensif, au point que Minc se paie le luxe de le dire lui-même à la fin (« j’’émerge perplexe de cette démarche »), sans se cacher de ce que ce sont deux normaliens qui ont fait pour lui les recherches sur la quinzaine d’économistes dont la présentation synthétique fait l’objet du livre. On se doutait qu’il n’avait pas lu les auteurs dont il résume la pensée et qu’il n’avait pas écrit le livre, mais de là à citer nommément ses nègres… En fait c’est tout Minc : il a une idée, pas vraiment révolutionnaire mais à laquelle je souscris pleinement, à savoir que l’économie se perd en route lorsqu’elle se croît une science exacte, centrée sur les mathématiques et le perfectionnement perpétuel de modèles prédictifs. En gros l’économie doit rester du bricolage et se situer à la lisière de l’histoire, de la sociologie, de la psychologie, etc… L’idée en elle-même étant un peu courte pour être développée sur 300 pages, Minc a la lumineuse inspiration de présenter une sélection arbitraire de grandes figures de l’économie, sur la base d’un chapitre par auteur, distribuant généreusement bons et mauvais points et dissertant sur les mérites de chacun. On apprend peu de choses dans l’ensemble sur la pensée économique elle-même, mais la bio people de chaque auteur n’est pas dénuée d’intérêt. J’aurais sans doute cité les auteurs à meilleur escient dans mes dissertations universitaires si j’avais su quel branleur était celui-là (Pareto par exemple) ou quel obsessionnel obtus était tel autre (Schumpeter). Minc n’est pas le meilleur des pédagogues s’agissant de la production théorique de ces auteurs. J’ai certes enfin compris la distinction entre valeur d’usage (prix en fonction de l’utilité d’un bien) et valeur d’échange (prix en fonction de l’offre et de la demande), re-appris que Hayek voulait supprimer le monopole d’émission de la monnaie dévolu aux banques centrales et que le lumpenprolétariat est l’armée de réserve du capitalisme(ce qui éclaire le concept de lumpenpétasse). Mais à de nombreuses reprises la présentation est trop elliptique pour donner une chance de saisir en profondeur de quoi il retourne. Quant au style, il est sans intérêt mais grossièrement inefficace, multipliant les « à l’évidence », « il va de soi » et autres « bien sûr »… Soit c’est évident, et le dire est inutile, soit ça ne l’est pas, et vouloir faire croire que ça l’est est un procédé de vulgaire propagande.

Bref ne jamais acheter un autre livre de Minc à l’avenir.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonsoir!
Je suis actuellement en classe préparatoire aux grandes écoles et notre professeur d'économie nous a demandé de lire "Les prophètes du bonheur". Lire ce livre a été pour moi une véritable torture et je pense exactement la même chose que vous, vous m'enlèveriez presque les mots de la bouche : je ne recommande ce livre à personne, il est dénué de sens et d"intérêt.

Unknown a dit…

Bonjour, permettez-moi de vous proposez une autre lecture. Je viens de publier chez L'Harmattan, collection L'esprit économique, "Bonheur et économie. Le capitalisme est-il soluble dans la recherche du bonheur?"
Bien cordialement,
Renaud

Le blog de Marcel Ferry a dit…

Bonjour !

Votre article sur Alain Minc de 2007 m'a inspiré toute une réflexion (en 2009) !

Amicalement.


Luc Paul ROCHE