lundi 5 mars 2007

L'amour dure trois ans, Frédéric Beigbéder, Paris, 5 mars 2007

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Au cas où je ne m’en souviendrais plus à l’avenir, disons plutôt dans l’hypothèse où ce souvenir funeste se brouille un jour, rappelons ce détail croustillant : C. a fêté la Saint-Valentin 2007 en me lourdant. Pour ce que vaut cette date j’aime autant que ça se soit passé ce jour-là et puis ça me donnera une bonne raison d’en limiter la célébration à l’avenir. Toujours est-il qu’une dizaine de jours plus tard, C. passe chercher ses affaires et me dit avoir beaucoup réfléchi, à moi et à notre couple, notamment en lisant un livre en entier ( !) : L’amour dure trois ans. Je me rappelais l’avoir lu en quelques heures à Argentières, un peu après le nouvel an 2002, sur la fin d’un séjour neigeux au cours duquel je m’étais enfoncé dans le sillage de P. dans une déprime noire, et je me souviens de cette lecture, un matin de soleil, comme d’un moment de bonheur apaisé, alors que presque tout le monde était rentré à Paris et que nous nous apprêtions à en faire autant en début d’après-midi. Mais pour autant et comme il se doit s’agissant d’un roman de Beigbeder, rien ne subsistait de cette lecture à part le souvenir d’un type assis sur un banc devant l’immeuble de sa bien aimée. Peut-être pour partager encore quelque chose avec C., j’entrepris d’acheter ce livre et de le relire.

Et effectivement comme d’habitude c’est plaisant et bien creux. Le seul intérêt me semble résider dans le retournement tardif : on s’énerve contre Beigbeder qui prétend faire l’analyse d’une rupture mais est déjà embringué dans un nouveau couple qui occupe presque plus de place que son divorce, jusqu’au moment où on réalise que c’est bien la longévité de ce nouveau couple qui fait l’objet d’étude et de spéculations. C’est donc l’épilogue, écrit trois ans après la rupture initiale, qui rehausse un peu l’ensemble. Étonnant que Beigbeder n’ait pas songé à re-épiloguer à chaque nouvelle édition soit en 2000, 2003 et 2006, ce serait imparable sur le plan commercial ; cela étant Christine Angot occupe déjà le créneau, en légèrement moins léger.

Donc sa femme Anne décide de divorcer de Marc Marronnier quand elle découvre qu’il la trompe avec Alice. De fait après trois ans de mariage, l’amour convenu et un peu adolescent pour Anne a laissé la place à une passion fougueuse pour Alice. Tout le long du récit, l’auteur tire le fil de sa déprime, rejeté à la fois par sa femme dégoûtée et par sa maîtresse apeurée. Ce n’est que dans l’épilogue que l’on apprend qu’Alice a finalement quitté son Antoine pour emménager avec lui (rue Mazarine, pas moins) il y a tout prés de trois ans. Le livre se conclut par une leçon de vie assez ridicule, qui constitue sans doute l’un des passage les plus honteux de la littérature beigbederienne (il y en a pourtant quelques-uns), mais qui mis en abyme exprime bien la niaiserie amoureuse : « Il faut savoir qui l’on est et qui l’on aime. Il faut être achevé pour vivre une histoire inachevée. » J’espère au moins que ce n’est pas ce chapitre qui a touché C..

Qu’est-ce qui a bien pu lui parler de nous là-dedans ? S’il n’y avait pas l’épilogue, la seule solution possible serait la tromperie, l’essentiel du bouquin relatant la double vie de Beigbeder. Je ne crois pas que ce soit le cas, et puis il y a l’épilogue. Mais je ne vois pas non plus en quoi l’épilogue, qui certes déplace le centre de gravité du bouquin, lui parlerait de nous. Alors je n’y comprends rien, mais je sens bien que c’est parce que je ne veux pas voir. Ça viendra. J’ai bien peur que ce ne soit tout simplement les scènes de désamour entre l’auteur et sa femme qui ne lui aient rappelé des souvenirs.

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