dimanche 14 mars 2004

Stendhal, le bonheur vagabond, Jean Lacouture, Verbier, 14 mars 2004

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Délicieuse récréation pour beyliste (« beylants » disent certains) qui donne très fortement envie de se replonger dans la lecture de son auteur favori, et me fait regretter de ne pas avoir emmené les promenades dans Rome à … Rome où j’étais il y a seulement deux semaines. Certes Jean Lacouture ne s’est pas trop foulé puisque près d’un quart de son petit livre est constitué d’extraits du journal de Stendhal ou de ses ouvrages « touristiques », et que c’en est de très loin la partie la plus savoureuse. Mais au moins il évite la plupart du temps les bavardages, choisit bien les extraits et apprend au lecteur (surtout au lecteur largement ignorant comme moi) une foule de choses souvent croustillantes.

Le point d’interrogation de Lacouture, qui reste sans réponse, réside dans le lien entre la frénésie de voyage de Stendhal et le moteur de son écriture. Il a notamment voyagé 5 mois en 1838 avant de dicter d’une traite la Chartreuse de Parme en 53 jours, mais les contrées traversées sont sans aucun rapport, ni géographique, ni affectif, avec le sujet de cet ouvrage. Pour Lacouture, l’obsession de mouvement chez Stendhal lui permet de se mettre en condition d’écriture en saturant son esprit d’impressions, de rencontres, de petits soucis matériels, pour vivifier son esprit et aller à l’essentiel : une sorte d’ascèse pour ce gros dilettante. Je veux bien souscrire à cette proposition.

Toujours est-il qu’on ressort encore plus amoureux du personnage, qui ne pense certes qu’à enfiler des servantes (dont une à qui il « prend les deux culs » !! il faudra éclaircir cette expression…), semble une feignasse finie (mais donne cependant satisfaction quand il daigne se mettre au boulot) et formule des jugements à l’emporte-pièce sur tout et n’importe quoi. Que ses livres sont plaisants, on ne saurait mieux l’exprimer qu’un de ses admirateurs, qui lui écrit : « … votre plume, toute légère qu’elle est, n’en est pas moins la massue des préjugés ; rien ne donne le désir de causer avec vous comme de vous lire. Cette aristocratie d’esprit et cette libéralité de sentiments vous placent à part de tout ce qui est écrit maintenant… la profondeur dans la légèreté : voilà ce qui fait les livres amusants et durables » (A. de Custine, 1838). Stendhal ou l’anti-Chateaubriand…, mais Stendhal à défaut à défaut d’aimer Chateaubriand l’admirait paraît-il… et il vénérait Montesquieu, qui fera de ce fait partie de mes prochaines lectures. Donc que l’écriture de Stendhal soit incomparable, on le savait, mais comment se fait-il que le personnage lui-même soit tellement attachant et émouvant, et sans pour une fois que l’émotion résulte d’une identification à ce qui n’en est pas moins un héros…. Vas savoir Henri, Frédéric, …, mais ce qui est sur c’est que tu nous fais bien marrer, Lacouture, moi et pas mal d’autres apparemment.

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