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Énorme succès à retardement qui atteint en ce mois d’août des niveaux davincicodesque alors qu’il a été publié il y a un an (j’ai en mémoire l’entraîneur du PSG, Guy Lacombe, affirmant peu avant son limogeage qu’on le lui avait offert fort à propos), il est naturellement difficile pour ce modeste conte philosophico-urbain d’être à la hauteur du vacarme qui le précède.
Ca ressemble un peu à ce film américain fascinant dont j’ai oublié le titre, dans lequel une jeune ado timide, complexée par ses lunettes triple foyers et ses dents baguées, se transforme en ravageuse bombasse le jour où on lui enlève ses bagues (on en profite pour remplacer ses lunettes par des lentilles, l’emmener chez coiffeur et tutti quanti…). Renée Michel, concierge moche et ratatinée de 54 ans, s’offre un relooking à la faveur d’une invitation à dîner de Kakuro Ozu et révèle, outre une inattendue beauté, les trésors de son intellect qu’elle s’évertuait à dissimuler pour rester concierge incognito, sa sœur étant morte d’avoir frayé avec les riches (engrossée puis abandonnée). A intervalles réguliers, la jeune Paloma, 11 ans, habitante de l’immeuble, nous livre des chroniques sur sa vision du monde en préparation de son suicide, planifié pour son prochain anniversaire. Paloma est l’âme sœur de Renée, sa réplique miniature, tandis que Kakuro est son double japonais, aux références et goûts culturels exactement identiques. On notera ainsi, pour rester dans les références cinématographiques (révélateur de schémas clichés ?), un petit aspect Highlander assez pathétiquement narcissique : d’un côté l’humanité plutôt obscène à quelques exceptions près, de l’autre les Highlanders, qui se reconnaissent progressivement entre eux : extrêmement intelligents, universellement cultivés et adorateurs du raffinement japonais. Il s’avère évidemment que ça correspond exactement aux portraits de l’auteur qui fleurissent dans les journaux. Le subterfuge utilisé pour rendre l’intelligence des Highlanders (donc de l’auteur) rappelle celui d’Anne Bragance : on part de personnages supposés incultes (une concierge) ou ignorants (une fillette) de façon à accroître la disproportion avec les auteurs et les références cités, Kakuro arrivant par-dessus pour homologuer la performance culturelle.
Cependant à part quelques emballements énervants sur des banalités présentées comme très perspicaces, les inserts philosophico-culturels sont plutôt robustes et distrayants. Tout comme la critique sociale, au plaisant ton acerbe. Le défaut du livre réside plutôt dans le peu de péripéties : un proprio meurt, son remplaçant s’intéresse à la concierge négligée depuis toujours en partie grâce à ses propres efforts de discrétion, qui en ressent une immense joie puis meurt écrasée. Le succès du livre est donc d’autant plus étonnant qu’il n’est pas palpitant, voire tombe parfois des mains en dépit de chapitres très courts et faciles à lire. Peut-être est-ce typiquement le livre recommandable sans que ce soit déshonorant, tout en étant pas trop dur à lire. Il fait en revanche peu de doute qu’il ne laissera pas de trace, à la différence des livres de Pennac, au ton comparable bien que plus universellement accessibles, qui traverseront les époques. La trop grande proximité entre les personnages de hérissons élégants (tous incarnant l’auteur) finit par donner l’impression d’un manque de générosité ou d’épaisseur…
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