-
À force d’entendre Finkielkraut dans sa réjouissante émission de radio invoquer presque hebdomadairement Kundera, je me suis dit que je l’avais peut-être classé un peu vite au rayon « fausses valeurs » après la lecture de L’ignorance. De fait il y a du contenu dans cette œuvre mythique, c’est même une sorte de roman démonstratif dans lequel l’histoire vient à l’appui d’une réflexion énoncée plus ou moins ouvertement sur le totalitarisme comme refus du réel, et de la mort au premier chef.
L’histoire est centrée sur le couple formé par Tomas et Tereza, avec une description très clinique, presque houellebecquienne, de leur degré de satisfaction respectif (la première des six parties aux intitulés redondants donne le point de vue de Tomas, la deuxième reprend la même portion du récit, mais du point de vue de Tereza), de l’impossibilité de la monogamie pour Tomas qui collectionne les conquêtes pour débusquer la singularité de chacune et s’approprier le monde (toute incidence d’un éventuel déséquilibre narcissique n’est pas même envisagée par Kundera). Incidemment l’histoire dérape sur l’une des maîtresses de Tomas, Sabina, dont le péché mignon est la trahison, ainsi que sur Franz, amoureux transi de Sabina qui vit avec elle en son absence, en conservant chevillé à l’âme ce qu’il suppose que seraient ses exigences et ses préférences quant à son comportement.
Le récit est dur et sans complaisance, tous les personnages sont plutôt malheureux : la lecture est sinistre. Ca part quand même un peu dans tous les sens et ce n’est pas très facile de voir où Kundera veut en venir. Le long développement sur le kitsch comme rejet de la merde semble toutefois être le cœur de la thèse et c’est une partie réussie, ce qui n’est pas toujours le cas des nombreux appendices et sous-exemples, dont on devine l’homogénéité d’ensemble plus qu’on ne la saisit. De fait l’analyse du totalitarisme semble reliée aux ressorts intimes du couple et à l’articulation amour / sexualité qui d’après Tomas (et Kundera ?) ne devrait pas avoir lieu d’être. Je ne suis pas sur d’avoir lu avec une attention suffisante car ça ne m’a pas passionné. Et les adresses au lecteur, qui ont dû être novatrices à la parution du livre, ont le don de m’irriter. On voit en tout cas tout-à-fait clairement d’où vient Adam Thirlwell (qui ne s’en cache pas). A noter la conclusion, là encore très houellebecquienne, sur l’agonie du chien Karénine, à l’immense tristesse de ses maîtres. C’est le passage le moins surprenant, mais c’est beaucoup moins ridicule qu’on pourrait le supposer. Il y a évidemment un message dans cette apologie de l’amour canin, mais lequel exactement ?
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire