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Ce n’est pas vraiment de la littérature mais il y a un ton (« ce genre… ») et certaines phrases plus travaillées qui claquent bien, d’autres qui lorgnent vers l’argot sophistiqué, peut-être la marque de Philippe Manœuvre qui a accouché le récit de Joey Starr. Le récit est haletant, toujours entre trois défonces et deux bastons, toujours une embrouille en cours, toujours en dérapage. L’énergie, l’intensité et l’exigence de Joey Starr, qui en rajoute sûrement parfois un peu, rendent la lecture captivante de la première (entamée à six heures de l’après-midi) à la dernière ligne (atteinte à deux heures du matin, avec deux heures de pause au milieu). Un peu comme dans les mémoires de Bob Dylan, certes dans un registre moins subtil, on retrouve tout le « son » de Joey Starr dans la hargne verbale qu’il met au récit de son parcours, avec aussi ce côté « je suis mon propre repère » qui fait sa classe.
On réalise aussi à quel point c’est un emmerdeur ingérable, Kool Shen a dû en baver… D’ailleurs depuis bien longtemps ils ne se croisaient plus que pour la musique, leur amitié réelle n’ayant duré que le temps de l’adolescence, et je voudrais pas être dans les parages quand ils remettront le couvert pour un 5ème album qui semble inéluctable, tant ils perdent mutuellement à leur séparation. En attendant Kool Shen déguste : décrit comme un obsessionnel flippé, menteur et manipulateur, Joey ne lui adresse plus la parole depuis l’annonce de son retrait du groupe.
Sa justesse de ton me rend Joey Starr sympathique et admirable, mais c’est tout de même hallucinant de faire le boulet à ce point : il choure tout et n’importe quoi depuis toujours, coûte une blinde monumentale à la RATP en effaçage de graffs et à l’armée française en procédures disciplinaires, passe un certain nombre de nuits dans le métro foncedé, tape sur quelques-unes de ses copines et pas mal de quidams (l’altercation avec l’hôtesse de l’air n’a pas eu lieu dans un avion mais dans un hôtel et l’accusation d’escroquerie à son encontre est relativement crédible…) et s’embrouille finalement avec tous ses potes un par un, à l’exception très notable de Seb Farran, son manager. Le coût de cet incontestable talent pour la collectivité n’est pas des plus abordable…
Mais bon au moins il ne fait pas que le boulet, il a une curiosité du monde (cf. sa rencontre avec Béatrice Dalle qui lui ouvre les portes d’un nouvel univers culturel, et peut-être aussi psychanalytique, elle est terriblement barge) et beaucoup de générosité. Et puis commencer dans la vie au rez-de-chaussée d’un HLM de Saint-Denis avec pour seule compagnie un père violent et pas très intéressé, je connais peu de gars qui ont autant d’excuses à leur bouletude.
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