mercredi 18 juin 2008

La belle vie, Jay McInerney, Paris, 18 juin 2008

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La suite des aventures de Russell et Corinne Calloway fait encore davantage que l’épisode précédent, 30 ans et des poussières, penser à une improbable rencontre entre Bret Easton Ellis et la collection Arlequin.

Autour du coup de foudre de Corinne et Luke, un banquier en crise existentielle qui vient de se retirer prématurément des affaires et tombe sur Corinne, qu’il prend pour un ange, au sortir de 24 heures de déblaiement du World Trade Center qui est passé à un cheveu de lui tomber dessus, McInerney retrace le parcours de nos deux héros durant leur trentaine et en particulier l’épisode de la procréation de deux jumeaux, Storey et Jeremy, à partir des ovules d’Hillary, la sœur de Corinne.

Comme toujours pour ainsi dire, ou du moins à chaque fois que McInerney se penche sur la situation, le couple bat de l’aile. Corinne essaie de se débrouiller avec son sentiment de culpabilité (d’avoir accouché prématurément, d’avoir arrêté de bosser pour avoir des enfants, d’avoir défié les lois de la nature en recourant aux ovules d’Hillary…) tandis que Russell vit sa vie d’égoïste maniéré et content de lui. Peu à peu Luke et Corinne prennent conscience, tandis qu’ils passent tous deux leurs nuits à travailler bénévolement à la cantine de Jerry pour encourager à coup de sandwichs les sauveteurs, pompiers, gardes nationaux et autres policiers qui s’affairent sur Ground Zero, du coup de foudre qui les a frappé le 12 septembre. Leur histoire idyllique, tant sur le plan sentimental, culturel que sexuel, les décide à quitter leurs conjoints respectifs, qui ont tous deux été préalablement convaincus d’adultère et font profil bas, et à fonder une nouvelle famille, ce qui est quasi fait au tout dernier chapitre du livre, quand tout capote. Le premier et seul mensonge entre eux aura été fatal : ils se tombent dessus en compagnie de leurs familles à la représentation de Casse-Noisette alors que Corinne avait prétendu qu’elle recevait des amis, ne souhaitant pas parler à Luke de cette sortie familiale. Est-ce de voir leurs familles ou est-ce ce que ce mensonge révèle ou pour une autre raison, à l’instant précis de leur rencontre au théâtre les plans d’évasion se trouvent annulés et chacun sait qu’il retournera à sa vie. McInerney se garde bien cependant de donner le fin mot de l’histoire.

L’essentiel du livre étant consacré à une romance idyllique, ça dégouline parfois un peu, en dépit de tout le talent de McInerney, et la succession de grands thèmes (le 11 septembre, la sexualité en famille – Luke aborde enfin avec sa mère l’épisode où enfant il s’était retrouvé coincé dans le placard de la chambre parentale tandis qu’elle baisait avec son amant, ce juste après être tombé sur sa fille de 14 ans en train de sucer un camarade dans sa chambre -, la procréation à tout prix, le désenchantement du banquier, les mauvaises raisons pour lesquelles on se montre charitable – la surpopulation des bénévoles du 11 septembre est très drôle et bien rendue -), donne parfois un effet un peu artificiel. Mais c’est extrêmement bien fait, avec une grande rigueur scénaristique (voir les très nombreuses allusions à des éléments de 30 ans et des poussières qui font chaque fois l’objet d’un bref résumé, dont on demande s’ils permettent à ce second tome des aventures des Calloway de s’autosuffire) et un grand plaisir de lecture qu’on aurait tort de bouder même si c’est un peu trivial.

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