samedi 20 mai 2006

Le livre de l’intranquillité, Fernando Pessoa, Paris, 20 mai 2006

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En cinq lignes on sait qu’on a affaire à un chef d’œuvre de la littérature mondiale. Les images poétiques d’une force infinie foisonnent : « Je vous aime comme on aime le couchant ou le clair de lune, en souhaitant que dure ce moment, mais sans rien mettre de mien dans ce désir, à part la simple sensation de l’éprouver ». « Le jour terne et mou est humidement brûlant. Seul dans le bureau je passe ma vie en revue – et ce que j’y vois est semblable en tout point à cette journée qui m’étouffe et m’attriste. Je me revois enfant, joyeux de rien, adolescent aspirant à tout, homme enfin, désormais sans joie ni aspiration. Et tout cela s’est passé dans le mou et le terne, tout comme cette journée qui m’oblige à m’en apercevoir, ou à m’en souvenir. »

L’autobiographie sans événement de Bernardo Soares, un des nombreux personnages d’écriture de Pessoa, est selon l’auteur le livre le plus triste du Portugal. On le croirait sur parole si ce livre était effectivement celui de Bernardo Soares, aide-comptable chez un marchand de tissu lisboète qui a voué son existence à ne pas vivre. Mais Pessoa semblait plutôt un écrivain mondain reconnu de son vivant et sa tentative de non existence a des allures d’exercice de style. Les 483 textes courts, voire très courts pour certains, alternent descriptions météo, épisodes de la vie de bureau et surtout méditations sur la vanité de toute ambition, la toute puissance de l’imagination et l’absurdité de la vie, avec tout du long une poésie et une élégance rarement rencontrées. C’est peu dire que ce n’est pas palpitant et c’est même assez ennuyeux. En fait je crois que ce n’est pas le genre de livre qu’il faut lire d’une traite in extenso mais plutôt le genre à ouvrir de temps à autre pour déguster quelques lignes, car on sature rapidement de l’intensité poétique. Malheureusement je ne sais pas lire autrement qu’in extenso. J’ai ainsi l’impression d’en avoir retiré peu de choses car si les images de Pessoa font mouche, le fond de sa pensée (ou de celle qu’il prête à Soares) glisse sur moi comme sur une toile cirée : Pessoa ressasse notamment l’inutilité de faire ce que l’on peut penser, la supériorité de l’imagination sur la réalité, etc… alors que si l’on ne donne de valeurs qu’aux actes tangibles la liberté de penser devient absolue.

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