mercredi 26 juillet 2006

Vie de Rancé, Chateaubriand, Bandol, 26 juillet 2006

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Redécouverte longtemps après la mort de Chateaubriand, cette biographie du réformateur de la Trappe semble répertoriée par beaucoup d’illustres commentateurs, notamment André Maurois et Charles Dantzig (dans son Dictionnaire égoïste) comme l’autre chef d’œuvre de l’auteur des Mémoires. Or c’est certes un livre intrigant, exercice de style réalisé par un génie littéraire dans la ligne du Génie du christianisme (qui visait à réconcilier mystique chrétienne et hédonisme en approchant la religion par l’esthétisme et la jouissance masochiste des mortifications) à la demande de son directeur de conscience, sur un sujet qui donne prise à son lyrisme mais qui visiblement l’ennuie. Le livre est par conséquent totalement bâclé et passablement ennuyeux.

On apprend fort peu de Rancé, ou par touches impressionnistes. À 37 ans de débauche ont succédé 37 ans de cloître dans l’étroite observance d’un règlement réformé dans un sens extrêmement strict. Les moines de la Trappe renonçaient non seulement à tout confort, mais aussi à tout contact avec l’extérieur, sauf apparemment le père abbé Rancé qui faisait ses mondanités. Les trappistes renonçaient enfin (sauf le père abbé encore une fois qui pesait sur le débat public par ses écrits) à toute ambition intellectuelle, se contentant d’attendre la mort après la 1ère mise au tombeau de l’entrée au cloître.

Les deux premiers tiers du livre sont pour l’essentiel des divagations mondaines impossible à suivre rassemblant tous les potins disponibles sur les personnages ayant croisé Rancé : une quinzaine de noms propres à chaque page, agrémentés de trois références au théâtre grec et d’une ou deux citations latines, le tout saupoudré de sous-entendus dans le style ampoulé du milieu du 19ème siècle, c’est parfaitement imbitable. La dernière partie est davantage consacrée au rayonnement de Rancé et aux controverses auxquelles il a pris part, notamment sur la place des études dans la vie des cénobites.

Chateaubriand abuse des citations du début à la fin de ce travail imposé, et notamment cite longuement les lettres de Rancé dont le style est limpide quoique empli de tournures datées. La confrontation de deux styles si représentatifs de leurs siècles (17ème classique épuré, 19ème superlatif chargé mais spirituel) est un des charmes de cet ouvrage exaspérant mais touchant par ses incongruités, tellement caractéristique des ambivalences de Chateaubriand, qui a suffisamment de repentance pour écrire un ouvrage sur injonction de son directeur de conscience, mais trop peu de tourment moral pour ne pas le bâcler. Il ressort à tout bout de champ des passages extraits d’autres de ses livres, notamment le « quam juvat » de Tibulle de façon tout à fait inappropriée, et s’éloigne dès que possible du sujet initial : religion et repentance…

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