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Offert avec beaucoup d’à-propos par P. pour mes 30 ans et initialement alléchant (l’auteur se propose, ayant atteint l’âge d’homme, de procéder à un bilan dont il ne taira rien, dans le but de s’émanciper de certaines obsessions qui le rongent), cette lecture se révèlera presque aussi assommante que celle du Quignard offert à la même occasion par la compagne de P.. Soit nous appartenons à deux familles de lecteurs aux goûts inconciliables, soit mon appétit de lecture est émoussé, mais ça fait un moment que je m’endors sur mes livres…
Michel Leiris est proche des surréalistes, intéressé par la psychanalyse et l’interprétation des rêves, passionné de théâtre et d’opéra. L’essentiel des 200 pages de ce livre relate des souvenirs d’enfance en particulier la découverte des classiques du théâtre et de l’opéra et des figures qui l’ont marqué, voire traumatisé, dans ces pièces. Deux figures de femmes reviennent ainsi de façon lancinante : Lucrèce qui se suicide devant son mari parce que Sextus Tarquin l’a violé, et Judith, qui, après s’être offerte à lui, tranche la tête d’Holopherne, général de Nabuchodonosor qui assiégeait Béthulie. Leiris exhibe les méandres de son parcours de maniaque sexuel impuissant, écartelé entre la figure de la sainte (Lucrèce, qu’il épouse contre son gré ou qu’il fréquente assidûment au bordel et à qui dans tous les cas il inflige des souffrances) et la figure de la pute (soit également au bordel, soit rencontrées au cours de beuveries acharnées, et dont il jouit du mépris pour sa déchéance).
Epuisé par cet insoluble sado-masochisme, il décide de s’analyser le plus objectivement possible (même s’il est conscient que l’objectivité lui est inaccessible) et tente au passage d’en faire un chef d’œuvre littéraire, l’occasion semblant propice puisqu’il se met en danger (« De la littérature considérée comme une tauromachie »). La thérapie est-elle efficace ? Si l’on considère que l’auteur est suicidaire quand il décide d’écrire (en 1930), qu’il envisage dans la préface rédigée en 1945 de finir ses jours avec sa compagne, ce qui suppose qu’il a enfin trouvé une relation de couple équilibrée, qu’il a une nouvelle fois annoté son ouvrage en 1965 pour une nouvelle parution, ce qui suppose qu’il était toujours vivant, on peut sans doute répondre par l’affirmative, bien que le principal enseignement de sa réflexion est qu’il a le goût de la souffrance parce qu’il s’est très tôt construit par la découverte passionnée des arts dramatiques. Un peu faiblard au bout d’une réflexion de cinq années.
S’agit-il d’un chef d’œuvre littéraire ? Il semble que cela soit communément admis mais sans doute davantage à cause de l’intransigeance de la démarche exhibitionniste et sacrificielle qui publiée en 1935 a fait date dans l’histoire littéraire, qu’à cause des qualités littéraires intrinsèques du livre : la grande richesse des références culturelles et l’élégance du style me semblent gâchées par le fouillis de la composition (sans doute à mettre sur le compte des accointances surréalistes) et le récit est beaucoup trop centré sur la petite enfance pour devenir réellement passionnant. Que cela soit ou non dans la petite enfance que tout se joue (ce dont Leiris semble convaincu), l’intérêt pour le lecteur est d’avoir connaissance en détail des déflagrations qui en résultent à l’âge adulte.
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