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Comme dans La destruction d’un cœur, tout part d’un séjour dans un hôtel, marqué par le scandale d’une femme, Henriette, abandonnant mari et enfant pour partir avec un homme, certes éminemment séduisant (et français) mais qui n’a séjourné que 24 heures dans l’hôtel. L’auteur prend sa défense contre les commentateurs indignés lors des repas suivants, ce qui conduit Mrs C., une exquise mais très réservée vieille dame anglaise, à vouloir lui confier sa propre histoire, qui constitue l’essentiel de ce court roman.
Longtemps après la mort de son bien-aimé mari et alors que ses deux fils sont déjà grand, Mrs C. se sent totalement inutile et attend la mort en voyageant. Dans un casino de Monte-Carlo, alors qu’elle s’adonne à son passe-temps favori (contempler les mains des joueurs), elle tombe en arrêt devant un jeune Polonais au comportement frénétique, qui après avoir tout perdu sort du casino totalement désespéré et semble résolu au suicide. En dépit de tout ce que ça a d’inconvenant et par suite de certaines circonstances particulières, Mrs C. lui sauve la vie et passe la nuit avec lui, puis fait un tour de calèche et déjeune au restaurant en sa compagnie le lendemain, lui faisant jurer dans une église que jamais plus il ne s’adonnera au jeu. Après lui avoir donné une somme d’argent destiné à ravoir les bijoux de famille volés et placés en gage, elle lui donne rendez-vous à la gare et se rend à une réunion de famille à laquelle elle ne peut se soustraire. C’est alors qu’elle forme l’extraordinaire projet de partir avec lui par le train, qu’une série de contretemps lui fait rater. Désespérée d’avoir raté ses adieux et sa fuite, elle refait par nostalgie le parcours de la veille au soir et retombe au casino nez à nez avec… le polonais, en train de jouer l’argent qu’elle lui avait remis. Une nouvelle tentative pour le sortir de sa passion aliénante se solde par un esclandre, dont Mrs C. a tellement honte qu’elle reprend illico le train jusqu’à l’Angleterre pour tenter, les années passant, d’adoucir le souvenir de cette mésaventure et de son inconduite, dont elle se mortifie. Et ça marche doucement : elle apprendra plus tard avec une relative indifférence que le jeune Polonais s’est suicidé peu après son départ de Monte-Carlo. Tout ça pour conclure, dit Mrs C., que 24 heures peuvent effectivement changer complètement la vie d’une femme.
L’intrigue est absolument remarquable et savoureuse sur le plan psychologique, la démonstration limpide et entièrement convaincante. Le plaidoyer du locuteur reprend en effet de façon presque militante (quoique conscient de se laisser quelque peu emporté dans les excès de la controverse) la maxime de Spinoza : « ne pas juger, comprendre ». Le style quant à lui est d’une grande fluidité mais embarrassé par quelques longueurs et superlatifs. Quand Zweig tient un filon (par exemple l’expressivité des mains autour d’une table de roulette), il ne le lâche pas avant d’en avoir totalement essoré la sève, quitte à se répéter plusieurs fois. Mais peut-être est-ce une technique nécessaire à la pénétration psychologique de ses personnages par le lecteur ?
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