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Un producteur de télévision génial a eu l’idée de sonder 6.000 français à l’été 1999 pour leur demander d’établir, parmi une liste de 200 suggestions, leur top 50 des livres du 20ème siècle. Pour parachever cet audacieux concept, c’est à Frédéric Beigbeder qu’on a demandé de commenter chacun des 50 lauréats pour autant d’émissions diffusées sur Paris Première au tournant du siècle (et du millénaire mais élargir trop le concours aurait probablement angoissé le téléspectateur et moins collé au positionnement urbain chic de Paris Première à l’époque). Beigbeder, qui ne connaît pas la honte ou s’en délecte, n’a évidemment pas hésité à intégrer cette récréation télévisée dans son œuvre officielle. A quand la publication en grande pompe de l’anthologie de ses chroniques dans Voici (souvent excellentes au demeurant) ?
L’amusant, outre le style primesautier et égotique de FB, est qu’une bonne moitié des titres entrant dans le top 50 n’ont rien à y foutre, ce que Beigbeder relève lorsque le cas se présente avec franchise et mansuétude. C’est un peu comme pour les enquêtes sur la vie sexuelle des français : même lorsque les réponses sont anonymes on coche les cases en espérant ne pas avoir, fut-ce à ses propres yeux, le rôle du blaireau, ce qui débouche sur un énorme blaire statistique. Le hussard sur le toit ou Le nom de la rose figurent ainsi autour de la 20ème place, l’imbitable être et le néant sartrien est en 13ème position. Beigbeder va jusqu’à attribuer à l’attachement populaire pour l’adjectif kafkaïen le 5ème rang obtenu par Le procès. En attendant le classement recèle seulement deux livres parus après 68 (La vie mode d’emploi de Pérec en 78 et Le nom de la rose en 81) et c’est évidemment un exercice imbécile.
Restent le plaisir de la conversation beigbederienne, horripilant à souhait à ramener sa désarmante petite fraise à tout bout de champ mais mettant dans le mille régulièrement (« ouverture de parapluie » en préambule, le fielleux Marc Lambron, …), et la décision à peu près ferme de me lancer enfin dans La recherche du temps perdu cet hiver. Parmi les 49 autres incontournables du siècle, mis à part la vingtaine que j’ai déjà lus, cet inventaire suscite peu d’envies alors que c’était l’objectif déclaré du Beig. Ne s’agit-il pas plutôt d’une excuse pour pouvoir parler littérature à partir de livres imposés, donc en se prémunissant du risque d’ennui inhérent au concours d’éloges (auquel Djian échappe cependant dans ses Ardoises) ?
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