samedi 2 juillet 2005

Last exit to Brooklyn, Hubert Selby Jr, Andros, juillet 2005

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Six nouvelles de formes et de longueurs variées composent ce récit, sans autre lien entre elles qu’une bande de jeunes ultraviolents en fond de tableau, encore que pas à chaque fois. Une unité étonnante se dégage pourtant de l’ensemble. Cette unité vient de la noirceur constante : alcool, benzédrine, travelos, violence, solitude, cruauté reviennent de façon hypnotique et il y a fort à parier que Selby a servi de modèle à Bret Easton Ellis dans la surenchère de drogue.

Ça commence mollement avec quelques jeunes dans un bar qui passent leur temps à se bourrer les côtes et à aller se repeigner dans les chiottes du bar, tenu par Alex le Grec qui ne cesse de leur répéter que ça finira mal avec toutes leurs conneries. Une sorte d’ouverture d’opéra pour installer le cadre du drame. Ensuite vient une tranche de vie de Georgette et ses copines, une bande de travelos espiègles et excités qui s’enfilent des quantités astronomiques de benzédrine (drogue inconnue jusqu’alors mais qui me semble désormais familière) arrosés au gin. C’est le récit d’une soirée particulière, qui finit en viol de trav consentantes par Vinnie et sa bande (celle qui squatte chez le Grec), et se conclut par le délire sous morphine de Georgette, folle amoureuse de Vinnie et qui se persuade que « Ce. N’était pas. De la merde. » (sur la queue de Vinnie, qui vient de baiser Lee, trav concurrente et ennemie jurée de Georgette). Ainsi se conclue ce chapitre.

Suivent une scène de mariage burlesque mais anodine et le récit de la vie de Tralala, qui se fout en l’air de militaire en militaire.

La 5ème partie, qui fait prés de la moitié de l’ensemble, est la plus réussie et la plus dérangeante, l’histoire d’Harry, délégué syndical qui rencontre la bande de chez le Grec au cours d’une grève. Il se met par leur intermédiaire à sortir avec des travs, qu’il entretient à coup de notes de frais remboursées par le syndicat. Puis quand la grève s’achève, et avec elle les notes de frais, les travs ne veulent plus entendre parler de lui. Il baisse le froc d’un petit garçon de 10 ans, fout sa bite dans sa bouche ; le gamin se barre en hurlant chercher les gars de chez le Grec qui trucident Harry Black d’une façon atroce en rigolant, le laissent agonisant dans un dernier râle sur le pavé, et retournent se bourrer les côtes dans les chiottes du Grec.

Harry Black est l’un des pires pauvres types que l’on ait jamais croisés dans un roman et on s’identifie quand même à lui ; on jubile quand il retourne une mandale à sa femme, une chieuse imbécile (au lieu de on je devrais écrire je). Et la bande du Grec n’est jamais rien d’autre que la vie ou la fatalité, même pas méchante juste dure, qui pousse chacun vers ses penchants avant de punir pour ces mêmes penchants.

La sixième partie, intitulé « coda » (ce qui signifie conclusion sur les partitions), est difficile à interpréter : nulle trace de la bande du Grec, même si des prénoms reviennent (Vinnie notamment) dans cet espèce de zapping de cité, où des scénettes s’enchaînent d’appartement en appartement, ou sur le banc du square, etc… encore de la violence, de l’égoïsme, de la méchanceté à tous les étages. Morale de l’histoire : tout va mal, tout continuera à aller mal et pourtant la vie continue.

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