mardi 3 janvier 2006

La petite bijou, Patrick Modiano, Ile de Ré, 3 janvier 2006

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Première approche de Modiano, peut-être pas avec son meilleur livre mais je suppose qu’ils doivent tous se ressembler assez fortement. Comme son aura l’indique, Modiano c’est avant tout un style. Puriste, maniaque de la simplicité, il construit des phrases courtes à partir d’un vocabulaire limité excluant toute sophistication. La sobriété de l’expression vise une esthétique de la retenue dont on sent qu’elle est obtenue par apurements successifs au fil d’un labeur obsessionnel. Cette intransigeance admirable a dû mieux fonctionner dans d’autres livres, ici elle est surtout pesante.

La petite bijou, 19 ans environ, raconte quelques semaines de sa vie, celles où elle a doublement revécu le traumatisme de son abandon, en gardant une petite fille de Neuilly négligée par ses parents, et en reconnaissant dans le métro, sans l’aborder mais en la suivant jusqu’à son appartement de Vincennes, sa mère qu’elle croyait morte au Maroc. Depuis ses dix ans et son exil à Fossombronne au départ de sa mère, elle avait cessé de vivre, et cette conjonction d’évènements déclenche un vertige dans lequel elle se noie. C’est à ce moment qu’elle pénètre dans une pharmacie, guidée par l’enseigne verte comme un phare, dans une rue noire un dimanche soir. La pharmacienne, sorte d’ange gardien déplacé dans ce roman sombre parce qu’elle n’a aucune réalité, la raccompagne dans sa chambre d’hôtel miteuse vers la place de Clichy (celle-là même que sa mère a occupé une dizaine d’années plus tôt), dort avec elle et revient la voir plus tard, en lui donnant des antidépresseurs. À la dernière page du livre, elle se fait la boîte avec du chocolat et se réveille à l’hosto (sans doute grâce à une nouvelle intervention de la pharmacienne), dans le service des nouveaux-nés prématurés car il n’y a plus de place ailleurs : sa vie peut (re)commencer…

Cette parabole de la deuxième naissance qu’est la sortie de l’enfance est également une bonne illustration du halo hagard de la dépression, la narratrice mêlant une précision de détails (auxquels elle se raccroche), un discours très factuel (comme si elle était incapable de toute analyse) et un flou général. Ce n’est pas très plaisant à lire, parce que l’extrême correction de Modiano doit surtout faire se pâmer les grands-mères et parce que la passivité déprimée de la narratrice est un peu lourde. Et puis la crise est terrible mais sa résolution décevante : cette pharmacienne miraculeuse sort vraiment de nulle part...

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