vendredi 21 novembre 2008

Mignonne allons voir…, Marc Lambron, train Arras-Paris, le 21 novembre 2008

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Premier épisode des chroniques saint-simonienne de Marc Lambron autour de l’élection présidentielle de 2007, centré cette fois sur la « télévangéliste du Poitou », cette lecture prend pour moi une actualité particulière puisqu’elle est concomitante au congrès de Reims et à l’élection du premier secrétaire du PS, dans laquelle le suspense reste entier jusqu’à aujourd’hui, date du second tour décisif qui voit Martine Aubry affronter une Ségolène Royal toujours aussi incroyablement pugnace, populaire et illuminée. Sous la plume de Marc Lambron, viscéralement vieille droite réac, campé dans ses certitudes sur le bilan quasi criminel du mitterrandisme et dont le ton définitif rappelle ces dîners en ville dans lesquels Bayrou se fait traiter de social-traitre, Ségolène n’est finalement plus si antipathique. Avec son inconscient de droite (habitus décréta Bourdieu dès 1999 qui lui accorda un intérêt visionnaire) et son acharnement à faire fi de toutes les traditions du parti et des vieux croûtons qui l’incarnent dans une apologie de l’inculture politique et historique, son succès en dépit de sa nullité procure finalement un grand plaisir aux vieux ennemis de la gauche, pour qui elle révèle l’état de débâcle du socialisme, dernière scorie dégénérée d’un mitterrandisme déjà vicié au départ. Un peu comme pour Sarko, même si elle n’a aucune conscience de ce qu’elle fait, en quoi elle est dangereuse et imprévisible, elle a au moins le mérite de faire bouger des lignes tellement moisies qu’elles ne demandaient que ça. Le tome sur Sarko prend du coup un autre relief : ces deux-là participent du même mouvement amnésique de l’énergie contre la vieillesse radoteuse. Des bousculeurs pas encombrés de culture, peut-être utiles après tout, même s’ils envoient sans même le vouloir quiconque a lu trois livres dans le camp des radoteurs moisis…

Marc Lambron est toujours aussi parfait convive, multipliant les références savantes en s’efforçant à la légèreté, jamais aussi bon que lorsqu’il est vraiment fielleux, un peu comme Bigard qui n’est vraiment bon que lorsqu’il est vraiment vulgaire. L’emploi quasi permanent de l’imparfait, peut-être pour pouvoir être lu dans le futur, est cependant dommageable, car le texte gagne singulièrement en puissance dans les quelques passages rédigés au présent de l’indicatif, notamment dans le portrait de la France de 2006 au dernier chapitre, travaillée par le « fantasme du putsch » entretenu par « l’inégale rémunération de l’intelligence » (entre par exemple un agrégé et le « premier banquier d’affaire venu ») et la « peoplelisation du spectacle social » (« les patientes ascensions de l’école peuvent être court-circuitées, via les plateaux de télévision et les îles de la tentation, par des cervelles de noisette aux plastiques arrangées »). Bien qu’il brocarde si justement la novlangue ségolénienne pleine de « personnes-ressources » et de « territoires », Lambron se laisse gagner par le jargon rampant puisqu’il finit lui-même par employer, sans avoir l’air de s’en rendre compte, « pouvoir d’achat » là où « salaires » irait aussi bien. Elle finira par nous avoir tous !

1 commentaire:

Anonyme a dit…
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